Comment l’enfant apprend-il?
- Marie Laumuno
- 9 avr. 2024
- 4 min de lecture

“Apprendre en observant est le propre de l’être humain
Quand nous regardons une action intentionnelle, notre cerveau s’apprête à faire la même chose.
Cela existe dès la naissance (quand vous tirez 3 fois la langue à un nouveau-né attentif, le bébé vous copiera ; lorsque l’on voit quelqu’un bailler, il arrive souvent que vous ayez vous-même envie de bâiller)
Les neurones-miroir fonctionnent également avec les émotions. En mobilisant les zones émotionnelles de notre cerveau à travers nos neurones miroirs, nous sommes en fait capables de ressentir les émotions d’autrui. Cela fait partie du système naturel d’empathie de notre cerveau”.¹
Est-ce que cela vous est déjà arrivé de vous mettre à rire en voyant des amis, des personnes rire de bon cœur alors que vous n’aviez pas suivi la conversation ?
Oui? Et bien cela est dû aux neurones miroirs.
Mais qu’est-ce que c’est ?
Un neurone est une cellule nerveuse qui transmet une information sous forme électrique, appelé influx nerveux entre les différentes structures cérébrales. Les neurones communiquent entre eux sans se toucher directement grâce aux synapses, espace dans lequel les neurotransmetteurs (molécules) font passer l’influx nerveux.
Les neurones miroirs sont des cellules nerveuses qui répondent à un acte intentionnel et nous permettent d’anticiper une action que nous connaissons déjà.
La découverte des neurones-miroirs
Un neurologue italien du nom de Giacomo Rizzolatti a découvert les neurones miroirs en 1992, lorsque son équipe travaillait à l’établissement de la carte de l’aire cérébrale sensori-motrice du macaque. Ces chercheurs ont utilisé des électrodes extrêmement fines afin d’analyser une seule cellule à la fois lors d’un mouvement précis.
Lors de cette expérience, les neuro-scientifiques se sont rendus compte que lorsque le singe observait un des chercheurs manger une cacahuète, en réaction, la cellule sensori-motrice s'est activée chez le singe : le cerveau de ce dernier était influencé et s'activait juste en regardant quelqu'un d'autre faire l'action.²

“Pour identifier et comprendre le geste de l’autre, les cellules de notre cerveau correspondant à ce geste sont activées sans que le geste soit effectué”.³
“Quand nous sommes témoins d’une action, nous anticipons son but, et nous nous préparons à la reproduire en miroir”.⁴
Le rôle des neurones-miroirs
Les neurones-miroirs jouent un rôle dans l’imitation en s’activant immédiatement, comme si nous-mêmes avions réellement ce comportement ou que nous faisions ce mouvement nous-mêmes.
“Autrement dit, observer un comportement, un mouvement, c’est déjà le réaliser dans notre esprit, et de manière précise [...] Voir un acte et l’accomplir entraîne l’activation des mêmes zones cérébrales”.⁵
Les neurones permettent aussi de déchiffrer les intentions et les émotions d’autrui, c’est-à-dire que le cerveau est capable de percevoir l’intention d’autrui derrière le geste.
Les neuroscientifiques parlent du cerveau comme d’un organe social. Il est fondamentalement fabriqué pour l’empathie car nous sommes biologiquement équipés pour bâtir des relations humaines. Ce sont les expériences avec d’autres êtres humains qui modèlent notre cerveau.

Les neurones-miroirs au service de l’apprentissage
C’est important de comprendre comment les enfants peuvent apprendre :
Seul en s’entraînant : une des façons d’apprendre est de répéter mentalement un acte, un mouvement, une poésie, un discours grâce à l’activation des neurones-miroirs, et ce, dès le plus jeune âge. Les enfants jouent, miment les scènes de la vie quotidienne, répètent les mots, et comprennent le monde qui les entoure principalement par le jeu, en reproduisant des scènes qu’ils voient se dérouler autour d’eux⁶. Il suffit d’observer les enfants, et un jour vous les voyez répéter une des expressions que vous utilisez très souvent!
En ressentant, en imitant : essentiellement par le biais de l’observation pour certains enfants. Leurs modèles sont principalement des personnes de leur entourage, mais aussi toute personne qui représente un modèle, qu’il soit bon ou mauvais. Fortement influencé par les adultes autour de lui, il apprendra de façon implicite, les attitudes, la façon de parler et d’agir de son entourage sans avoir les capacités de prendre du recul sur ce qu’il voit.⁷
L’adulte comme modèle
L’adulte étant un modèle pour l’enfant, il ne s’agit pas d’être parfait. Cependant, dans un souci de cohérence, dire ce qu’il faut faire et faire exactement l’opposé ne fonctionne pas : ce que l’enfant va enregistrer sera ce qu’il observe. Je dois, en tant qu'adulte, incarner le message que je veux transmettre à mon enfant.
Si je me mets à crier sur mon enfant, à le taper lorsqu’il ne fait pas ce que je lui demande, je lui apprends donc que pour se faire entendre on peut utiliser la violence et les cris. Je lui apprends aussi que les autres peuvent utiliser la violence verbale et physique envers lui.
Je ne suis pas crédible en tant qu’adulte lorsque je lui dis de ne pas taper les autres, ni de leur crier dessus...Je dois alors comprendre que ce sera une de ses façons de gérer les conflits.
Bien évidemment, il ne s’agit pas d’une fois où j’ai crié. Il faut savoir que plus les neurones empruntent un chemin, plus ce chemin est facile et rapidement accessible. Ce chemin se renforce et se développe au détriment de ceux qui sont moins utilisés.
Le cerveau de l’enfant est extrêmement malléable. Grâce à la neuro-plasticité, “le cerveau est capable de remodelages sous l’effet des expériences, et ce tout au long de la vie”.⁸ Il est toujours temps de modifier les expériences de l'enfant afin qu’il bénéficie d’un environnement favorable à un un développement harmonieux.
Si je veux que mon enfant soit respectueux, j’utilise des moyens qui vont lui permettre de se sentir respecté, écouté et plus je vais le faire plus il va intégrer ce schéma pour l’utiliser lui-même, et pour les autres.
Les neurones-miroirs sont naturellement un outil au service du développement des relations humaines harmonieuses, en transmettant des informations au-delà des comportements.
Marie Laumuno
¹ LASALA T., MCVITTIE J., SMITHA S., Discipline Positive dans l’établissement et dans la classe : guide pour la mise en place globale de la démarche, p.96
² SIEGEL D. Le cerveau de votre enfant : manuel d’éducation positive pour les parents d’aujourd’hui, Poche Marabout Enfant, p. 230
³ GUEGUEN C., Pour une enfance heureuse : repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau, Pocket, 2015, p. 207-208
⁴ SIEGEL D. Le cerveau de votre enfant : manuel d’éducation positive pour les parents d’aujourd’hui, Op. Cit., p. 231
⁵ Id. p. 208-209
⁶ GUEGUEN C., Pour une enfance heureuse : repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau, Op. cit., p. 212-214
⁷ Ibid.
⁸ GUEGUEN C., Pour une enfance heureuse : repenser l’éducation à la lumière des dernières découvertes sur le cerveau, Op. cit., p. 186-187




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